Cinéphile, c’est une passion parfois dangereuse… Surtout en cas de choc brutal avec un objet à la fois lourd et contondant, taillé pour un film d’art et décès. Curieuse sensation, s’il en est, de regarder une œuvre dont l’intérêt nous échappe totalement, malgré les récompenses obtenues ou les recommandations dont elle a fait l’objet. Très impressionné par À nos amours de Maurice Pialat, j’ai choisi de continuer ma découverte du cinéaste avec Sous le soleil de Satan.

Interdit de bout en bout devant ce film que j’ai trouvé d’un ennui effroyable, il m’a fallu remonter loin dans mes souvenirs pour éprouver une gêne similaire en compagnie du 7e art. Ma grande sœur et moi sortions juste de la séance de Rosetta, autre palme d’or décriée. Devant le cinéma, de petits groupes de gens rivalisaient de compliments sur le film des frères Dardenne, avec un sourice pincé.
Non, ils n’étaient pas convaincus. Oui, la musique classique c’est bien mais sauf si c’est André Rieu qui la joue. Tout dépend du point de vue, mais nous, on avait juste envie de leur crier à quel point c’était de la merde. Ma sœur et moi, on s’est regardés sans dire un mot et on a éclaté de rire. Puis sur le chemin du retour à la maison, nous avons disserté sur l’ennui intersidéral que représentait cette pellicule. Mais revenons à l’objet de ce billet : un film de soutanexploitation.

Palme d’or 1987 huée, film qui divisa à sa sortie, Sous le Soleil de Satan est un film de Maurice Pialat adapté du roman éponyme de George Bernanos (1926). L’histoire ? La jeune Mouchette (Sandrine Bonnaire), 16 ans, tue son amant. Tout le monde pense que le défunt s’est suicidé. Mais l’adolescente ressent le besoin de confier son crime à l’abbé Donissan (Gérard Depardieu), le vicaire du village. Une relation étrange, malsaine et fallacieuse se noue entre eux.

Âpre et austère, comme son matériau d’origine, aussi séduisant que du théâtre filmé par Jean-Michel Caméscope, Sous le Soleil de Satan allie trois qualités rares : une lenteur faisant passer Derrick pour un Fast and Furious, des choix scénaristiques et visuels repoussants et le pire du classicisme du « cinéma à la papa ». Un gros Fuck adressé par Maurice Pialat au public du festival de Cannes. À la remise des prix, sous les sifflets, le cinéaste a prononcé une saillie restée célèbre :
« Si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus. »
Avec cette adaptation, le cinéaste n’a certes pas choisi la facilité. Robert Bresson a déjà en effet magnifié à l’écran deux romans de George Bernanos, Journal d’un curé de campagne et Mouchette. La chose n’est pas une mince affaire.
Regardez ci-dessous la bande-annonce de Sous le Soleil de Satan, qui est en fait littéralement la dernière scène du film !
Gérard Depardieu, capable d’être crédible dans le plus invraisemblable des rôles, traverse ici comme un fantôme cette introspection de sa propre croyance. Sandrine Bonnaire, la femme, mineure, est ici forcément tentatrice, à défaut du Diable qui apparaît comme un cheveu sur la soupe. Préparez-vous à des débats théologiques abscons, même si vous venez de refermer le roman. Toute subversion est ici diluée, car ce film ne parvient à véhiculer aucune émotion, grâce à ses acteurs à la fois filmés comme des plantes vertes, inexpressifs, et parlant comme des bouquins.

Vous n’êtes pas d’accord avec mon analyse ? Si mon ressenti et mes observations sont subjectifs par nature, le premier des plaisirs d’un visionnage est viscéral, émotionnel. Mais au-delà, il existe un plaisir purement esthétique. Celui-ci est beaucoup plus intellectualisé, et lié à notre « expertise de spectateur » connaissant un grand nombre d’autres longs-métrages.
À la lisière entre ces deux plaisirs, probablement loin de toute raison, errent comme des fantômes ces pellicules mal aimées par les uns, adulées par les autres.
Et vous, combien de films plébiscités ont suscité chez vous un mélange entre l’ennui et le dégoût ? Osez-vous l’avouer en public, ou pire, à vos amis cinéphiles ?
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