Le festival international du film fantastique s’est déroulé à Gérardmer (Vosges) du 29 janvier au 2 février 2025. J’étais présent à mon grand plaisir pour la deuxième année consécutive. À l’issue de cinq jours de projections pleines de sursauts de rires et d’applaudissements, le festival a désigné son palmarès. Suite aux onze séances auxquelles j’ai pu assister – et entre deux Mont d’or au four – Je vous propose de découvrir mon classement personnel des films en compétition dans cette 32e édition. Je vous parlerai ensuite des films que j’ai pu voir en hors compétition. Ces textes sont garantis sans spoilers. Les synopsis sont à la fin chaque texte, si vous préférez ne pas trop en savoir.
9ème sur 9 – In a violent nature, film canadien de Chris Nash (2025). Disponible sur plusieurs plateformes de streaming en France.

Quelle mouche a piqué le jury de Gérardmer de décerner le Grand Prix à ce long-métrage ? Cela reste un mystère pour moi. Ce film à l’intrigue ultra conventionnelle – en hommage aux films dont il s’inspire – a la suffisance de penser que ses idées de mise en scène le rendent génial. Ce slasher movie aux jolies images, est en effet essentiellement filmé en plan d’ensemble, avec son méchant de dos, sans jamais en faire véritablement le personnage principal. Pour le dire autrement : on a l’impression de regarder une partie très ennuyeuse du jeu vidéo Tomb Raider ou GTA, avec un meurtrier d’une extrême lenteur, et dont on ne nous épargne aucun des allers-retours en ville, dans la forêt… le bougre en perd tout potentiel menaçant.
On ne s’identifie pas aux victimes du tueur non plus, puisque qu’elles sont principalement développées dans le hors-champ visuel et sonore. Le film, écartelé entre ces deux parti-pris, n’exploite ni la terreur de ce qu’on imagine sans le voir, ni la sensation d’inconfort poisseux qu’espérait provoquer Chris Nash par la radicalité de sa mise en scène. Pour ne rien arranger, le scénario, les dialogues et les situations rivalisent de bêtise et de problèmes de logique. Si A violent nature dure 1h34, on croit bien y passer 3 heures d’un ennui mortel. Seul éclat à sauver de cette purge : le destin funeste d’une joggeuse, sans doute la mise à mort à l’écran la plus fun de tout le festival.
De quoi ça parle ? Après s’être fait dérober un précieux artefact, cadeau de sa mère, un tueur en série s’extirpe de sa tombe pour entamer une quête vengeresse. Il va traquer un groupe de jeunes qui se racontent son histoire.
8ème sur 9 – Azrael, film américain d’Evan Louis Katz. Date de sortie en salles inconnue.

Azrael (impeccable Samara Weaving) lutte pour sa survie dans ce film d’action/horreur bien exécuté, pour qui n’a pas le survivalisme crade en horreur. Certaines des bonnes idées du film – qui piochent dans les derniers succès du genre horrifique – ne sont pas exploitées jusqu’au bout ce qui est dommage, car Azrael souffre parallèlement de quelques longueurs et redondances. Un moment agréable sans être extraordinaire avec ce film, grâce à ses affrontements qui tiennent en haleine.
De quoi ça parle ? Dans un monde où personne ne parle. Une communauté dévote traque une jeune femme, Azrael, qui s’est échappée de son emprisonnement. Recapturée, elle doit être sacrifiée pour lutter contre un esprit malveillant.
7ème sur 9 – Grafted, film néo-zélandais de Sasha Rainbow. Date de sortie en salles inconnue.

Après The Substance, que j’ai classé en 4e position de mes films préférés de 2024, ce nouveau body horror tourné à Auckland en Nouvelle-Zélande est une histoire grinçante de mal-être adolescent. Loin de s’embarrasser d’une étude de mœurs, ce teen movie prend un malin plaisir à punir plus que de raison ses personnages. Un jeu de massacre sympathique qui aurait gagné à être épuré, mais qui vous distraira sans coup férir grâce à ses rebondissements bien orchestrés, et à sa scène de fin étonnante.
De quoi ça parle ? Wei, une jeune femme chinoise brillante, mais souffrant d’un handicap physique, part étudier dans une prestigieuse université en Nouvelle-Zélande. Peinant à se faire des amis, elle poursuit les recherches de son père, un scientifique décédé, pour créer un sérum de beauté et devenir ainsi belle et populaire.
6ème sur 9 – Else, film franco-belge de Thibault Emin, sortie en salles le 28 mai 2025.

Ce huis-clos à la fois film romantique, d’anticipation et de science-fiction, nous parle avec une simplicité touchante de la solitude, du confinement, et de la fin du monde. Porté par Matthieu Sampeur et Edith Proust, duo de comédiens à l’alchimie remarquable, ce long-métrage m’a épaté par sa sincérité et sa fraîcheur, qui m’ont rappelé par instants l’univers de David Lynch, Le Dernier Combat de Luc Besson et Peut-être de Cédric Klapisch.
Bourré de rythme et d’inventivité visuelle malgré le manque de moyens, le film s’enlise hélas dans son dernier tiers, comme prisonnier de sa propre mécanique. J’ai moins aimé cette conclusion métaphysique et hallucinatoire que n’aurait pas reniée Gaspar Noé. Toutefois avec ce premier film prometteur, Thibaut Emin va au bout de ses idées avec un talent certain. À voir donc, si comme moi les films qui osent sont ceux auxquels vous pardonnez les imperfections.
De quoi ça parle ? Anx vient de rencontrer Cass quand l’épidémie éclate : partout, les gens fusionnent avec les choses. Cloîtré dans son appartement, le couple doit faire face à cette menace monstrueuse.
5ème sur 9 – La fièvre de l’argent, film espagnol de Galder Gaztelu-Urrutia. Date de sortie en salles inconnue.

L’auteur du film La Plateforme, un des derniers succès de Netflix, signe une dystopie saisissante avec l’excellente Mary Elizabeth Winstead (vue dans 10 Cloverfield Lane et Scott Pilgrim). Si La fièvre de l’argent verse dans la critique sociale avec parfois de gros sabots, voir des ultra riches devenus migrants traverser la mer sur un rafiot de fortune a quelque chose de réjouissant.
Un long-métrage mené tambour battant qui reflète comme un miroir tendu, quand vient l’heure de sauver ses miches, l’égoïsme forcené de l’humanité. « On sauve son prochain mais rien à branler du suivant », comme chante Matmatah.
De quoi ça parle ? Une étrange maladie décime les personnes les plus riches et les plus influentes de la planète. Le virus, qui semble d’abord n’affecter que les milliardaires, s’étend rapidement à des fortunes plus modestes, obligeant chacun à se débarrasser de sa moindre richesse et précipitant l’équilibre économique mondial dans le chaos.
4ème sur 9 – Rumours, film germano-canadien de Guy Maddin, Evan Johnson et Galen Johnson, sortie en salles le 7 mai 2025.

Inceste en haute-montagne dans une atmosphère colorée et oppressante de conte œdipien pour Careful, concours international de musique triste organisé par une baronne de la bière cul-de-jatte durant la Grande Dépression pour The Saddest music in the world, comédie musicale en noir, blanc et rouge avec un comédien asiatique pour Dracula, pages tirées du journal d’une jeune vierge… c’est peu dire que le cinéaste canadien Guy Maddin sait déstabiliser les spectateurs. Accompagné de ses compatriotes, les réalisateurs Evan et Galen Johnson, le Canadien signe cette fois-ci avec Rumours une farce mordante sur l’impuissance de nos dirigeants politiques.
Un film très « méta » qui joue avec le montage, le son, les couleurs saturées… pour mieux déjouer une à une nos attentes dans cette histoire surréaliste. Si ce film « prise de tête » peut cliver, je le trouve tout de même accessible grâce à son casting : Cate Blanchett, le Français Denis Ménochet, Alicia Vikander, Charles Dance (Tywin Lannister dans Games of Thrones). Mention également à son humour absurde et potache, qui m’a rappelé les Monty Python ou Luis Buñuel. Bref, un régal avec plein de trouvailles amusantes.
De quoi ça parle ? Réunis dans un château en Allemagne pour leur sommet annuel, les dirigeants des pays du G7 s’installent en bordure d’un bois pour préparer leur déclaration. Soudain, le groupe constate que le personnel qui les entourait a disparu. Pour les retrouver, les sept politiciens s’enfoncent plus avant dans une forêt périlleuse et pleine de mystères.
3ème sur 9 – Les Maudites, film argentin, français, espagnol de Pedro Martín-Calero, sortie en salles le 7 mai 2025.

Il y a quelque chose de pourri au royaume du patriarcat. Le réalisateur espagnol frappe fort avec ce récit labyrinthique à la structure ambitieuse, dont les ramifications se dessinent au fur et à mesure que les destins de ses personnages apparaissent inexorables. Maudites par un mal tapi dans le hors-champ, qui réserve de beaux moments de frayeur, les héroïnes de ce long-métrage se révèlent à travers de vrais moments de cinéma.
Dans ce long-métrage obsédant qui rappelle It Follows de David Robert Mitchell ou Caché de Michael Haneke, le cinéma est le truchement par lequel une réponse à des faits isolés se donne le droit d’exister. Avec sa conclusion en trompe l’œil, le croisement et la validation des récits par les différents protagonistes devient possible et permet aux personnages de lutter ensemble. Un film à ne pas manquer.
De quoi ça parle ? Quelque chose hante Andrea, mais personne, pas même elle, ne peut le voir à l’œil nu. Il y a vingt ans, à dix mille kilomètres de là, la même présence terrorisait Marie. Camila était la seule à pouvoir comprendre ce qui lui arrivait, mais personne ne les croyait. Face à cette menace oppressante, toutes trois entendent le même son écrasant : un cri.
2e sur 9 – Oddity, film irlandais de Damian Mc Carthy, en salles depuis le 3 février 2025.

Après avoir fait ses débuts avec le long-métrage Caveat (2020), le réalisateur irlandais Damian McCarthy continue de porter le flambeau du cinéma d’horreur indépendant, qui compense son budget par ses idées. Mélange très convaincant de thriller psychologique et de film d’horreur, Oddity a également un fil rouge très bien exploité : celui des objets maléfiques auxquels les personnages vont lier leur destin.
Le long-métrage débute par une superbe séquence introductive, avec juste ce qu’il faut de mystère. Après quoi le film irlandais va s’amuser du déjà vu, jouer avec les clichés associés à ses personnages, pour proposer une histoire à la fois originale et bien menée. Une réussite parsemée d’angoisse et de jumpscares particulièrement efficaces.
De quoi ça parle ? Darcy, une jeune femme aveugle travaillant dans un magasin de curiosités, est convaincue qu’elle peut communiquer avec l’au-delà. Après le meurtre de sa sœur jumelle, elle cherche à démasquer l’assassin en utilisant un inquiétant mannequin en bois issu d’une collection d’objets maudits.
1er sur 9 – Exhuma, film sud-coréen de Jang Jae-hyeon, disponible en vidéo à la demande.

Après les catholiques dans The Priests (2015) et les cercles religieux sectaires dans Svaha : the sixth finger (2019), Jang Jae-hyeon continue à explorer le genre horrifique et les croyances dans son dernier film, Exhuma. L’histoire s’appuie cette fois-ci sur le poids des rites traditionnels funéraires en Corée du Sud, et sur ce qu’ils disent de la société. Comme pour ses films précédents, le réalisateur a mené un travail de recherche très poussé, assistant à de nombreux rituels pour pouvoir les retranscrire avec précision.
Cette richesse, cette intensité vient servir une histoire aux multiples rebondissements, qui verse dans plusieurs registres avec aisance : buddy movie, chronique sociale, film d’aventures, comédie grand public… C’est pourtant un exercice périlleux : faire rimer fantômes et mythologie sans confiner au ridicule n’est pas à la portée de tous ! Foncez pour découvrir le savoir-faire, les frissons et les effets spéciaux bluffants de ce qui est mon gros coup de cœur du festival.
De quoi ça parle ? Un riche père de famille sud-coréen, expatrié aux États-Unis, a un problème avec sa fille que la médecine moderne ne parvient pas à résoudre. Il fait donc appel à deux chamanes qui pensent que l’origine des troubles de la petite fille serait à rechercher dans les ancêtres de la famille. Ils proposent au père de se rapprocher d’un géomancien et de son associé expert en rite funéraire. Ces derniers seront à même de trouver un nouveau lieu de sépulture afin de calmer les esprits néfastes.
Films hors compétition
Companion, film américain de Drew Hancock, en salles depuis le 29 janvier 2025 en France.

Cette comédie d’anticipation horrifique, drôle et grinçante, dispose d’un capital sympathie indéniable. Le film le plus feel good du festival, avec dans le rôle-titre Jack Quaid (vu dans la série The Boys). Je vous recommande d’en savoir le moins possible avant de le voir (à vos risques et périls si vous avez cliqué sur la bande-annonce).
De quoi ça parle ? Une sortie entre deux couples d’amis le week-end dans une propriété reculée le long d’un lac bascule dans le chaos et la violence, lorsque Iris découvre un terrible secret.
Presence, film américain de Steven Soderbergh, en salles depuis le 5 février 2025 en France.

En nous mettant dans la peau du fantôme, et en s’appuyant sur une réalisation sans faille aux allures de long plan-séquence, le réalisateur américain Steven Soderbergh parvient à renouveler le genre ultra-codifié du film de maison hantée. Un film qui fera date.
De quoi ça parle ? Une famille emménage dans une nouvelle maison, où une mystérieuse présence hante les lieux.
Crimson Snout, film vietnamien de Lưu Thành Luân. Date de sortie en salles : inconnue.

Film projeté à Gérardmer dans le cadre d’une rétrospective sur le cinéma d’horreur vietnamien, Crimson Snout est plus une curiosité aux relents nanardesques, qu’un film que je vous recommanderai. Histoire décousue de malédiction dans une famille de commerçants, ce long-métrage aux allures de soap ose un choix risqué pour son antagoniste horrifique. Il souffre de plus d’effets spéciaux le plus souvent douteux. L’heure du cinéma d’horreur vietnamien viendra peut-être, mais ce ne sera pas avec Crimson Snout.
De quoi ça parle ? Le retour de Nam et de sa petite amie Xuan apporte d’innombrables problèmes à la famille.
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