Charlie Hebdo, l’hommage

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Charb, en pleine séance de dédicaces, dans une exposition sur Charlie Hebdo organisée en avril 2012 dans une école de commerce d’Amiens.

Dans ce billet, mettons exceptionnellement de côté Le Kulturiö, les découvertes artistiques, le monde sécurisant de la fiction, pour celui du réel.

Je parle en tant que Jérôme Perrot, jeune journaliste et auteur de ce blog, pour rendre hommage aux victimes des attaques terroristes islamistes qui se sont déroulées en France entre le 7 et le 9 janvier 2015. Puisque l’on dit « si on se souvient de quelqu’un, il ne meurt pas tout à fait », voici quelques lignes pour raconter ma rencontre avec l’équipe de Charlie Hebdo.

En avril 2012, alors journaliste au Courrier Picard, je rencontre à Amiens plusieurs membres du journal satirique. Charb, Wolinski, Cabu, Luz, entre autres, sont là. Ils sont ouverts, amicaux, en terrain conquis. Leur bonne humeur sent l’alcool et le tabac.

L’incendie dans leurs locaux avait eu lieu il y a quelques mois
Dans les locaux de l’école supérieure de commerce d’Amiens, le journal satirique vient présenter Les 1000 unes de Charlie Hebdo (en réalité 50). La cour intérieure d’une Sup de Co : lieu saugrenu pour une exposition pareille. Ce qui amuse beaucoup Luz : « Être là où on ne s’attend pas à nous voir, ça nous plaît ».

Quelques mois avant leur venue en Picardie, un incendie criminel ravage leurs locaux parisiens. En cause, déjà, les caricatures sur Mahomet parues initialement dans le journal Jyllands-Posten en septembre 2005, et reprises par Charlie Hebdo par solidarité envers ce média danois.

Charb tonne : « On refuse de se cantonner à Paris. On a voulu nous chasser du vingtième arrondissement de Paris, on y est toujours. On est partout chez nous, à Amiens aussi, partout où on peut aller, on ira ».

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Quelques lecteurs viennent se faire dédicacer le livre qui porte le nom de l’exposition, organisée par la bonne volonté de quelques étudiants (dont le jeune homme entre Wolinski et Charb). L’affaire des caricatures de Mohamet est au cœur des discussions. Déjà. Et Charb y répond avec volonté et insouciance.

Racistes, ces mecs là, comme on les a parfois accusé ? J’ai surtout l’impression qu’ils sont dans le millième degré. Baignant dans des références qui leur semblent évidentes. Ce qui rend parfois leur humour incompréhensible.

« On a besoin de gens comme vous »
Je n’ai jamais été un lecteur assidu de Charlie Hebdo. Mais j’ai toujours admiré leur côté trash. Ce qu’ils osaient dans l’humour pour mieux expliquer l’absurdité du monde.

Après avoir posé quelques questions d’usage sur l’exposition à Charb, je lui donne mon point de vue. « Je ne vous trouve pas tout le temps drôle, mais merci d’être là. On a besoin de gens comme vous, de poil à gratter ». Il me répond d’un merci en souriant.

Je me tourne vers Cabu. Timide, le grand Duduche ? Je ne la ramène pas non plus, je suis impressionné d’avoir le monsieur en face de moi. Brouhaha ambiant, j’attaque avec une question. Cabu me regarde avec son visage de poupon et ne répond rien. Avant que les organisateurs nous interrompent.

Le soir, l’équipe de Charlie a rendez-vous au Cirque d’Amiens pour une symphonie révolutionnaire en hommage à Che Guevara. Moins de deux ans plus tard, c’est à plusieurs d’entre eux qu’on rend des hommages : Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski.

La psychanalyste Elsa Cayat, l’économiste Bernard Maris, les gardien de la paix Ahmed Merabet et Franck Brinsolaro, le correcteur Mustapha Ourrad et l’agent de maintenance Frédéric Boisseau décèdent également lors de l’attaque terroriste islamiste des locaux de Charlie Hebdo, ainsi que Michel Renaud, fondateur du festival Rendez-vous du carnet de voyage.

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Je présente mes condoléances aux familles et aux proches des dix-sept personnes assassinées lâchement lors de ces attentats.

Suite à ces événements atroces, plus de quatre millions de personnes sont descendues dans les rues, (presque) sans slogan, sans revendications. Une telle solidarité me rend fier de mon pays. Mais cet élan général n’est qu’une première étape. Pour quels résultats ? Pour quel espoir de mutation profonde et de prise de conscience ?

A titre professionnel, j’espère que ces évènements serviront la cause de la liberté de la presse, à défaut de celle d’une bande de trous du cul.

Que la solidarité vive. Que pessimistes et diviseurs se taisent. Que les manœuvres politiques échouent.
Liberté, égalité, fraternité ! Non, ces mots ne sont pas un leurre, que l’on abandonne à l’extrême-droite. Ce sont les valeurs qui ont fait l’histoire de notre pays, et elles doivent continuer à le faire.

Pour terminer ce billet, je vous propose de l’enrichir dans les commentaires en recensant toutes les lectures pertinentes d’articles, livres, etc… qui nous permettront de réfléchir à l’après-attentat. A l’inévitable perte de libertés individuelles qui nous guette.

Alors, #JeSuisCharlie, que fait-on maintenant ?

-Article du sociologue Saïd Bouamama. L’attentat contre Charlie Hebdo : L’occultation politique et médiatique des causes, des conséquences et des enjeux.

-Billet de la blogueuse Monica M. sur Mediapart. La tentation du Djihad chez de jeunes Européens.

-Billet du journaliste Bruno Masure, agacé par la couverture médiatiques des attentats par les télévisions.

-Livre de philosophie « L’ère du vide », de Gilles Lipotevsky (écrit en 1983 mais toujours cruellement actuel), qui analyse une société « post-moderne » marquée, selon l’auteur, par un désinvestissement de la sphère publique, de même qu’une perte de sens des grandes institutions collectives (sociales et politiques). Attention, c’est costaud à lire, ce n’est pas du Luc Ferry…

N’hésitez pas à enrichir cette liste de vos lectures personnelles.

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